- 22 octobre 2020 : Blanquer accuse sur Europe 1 « l’islamo-gauchisme de faire des ravages plus seulement dans les rangs de l’opposition (ici l’UNEF et La France insoumise) mais aussi dans les facs[…] »
- 26 Octobre 2020 : dans un tweet, École et Nation, une officine du Rassemblement National, se réjouit ouvertement (tout comme Marion Maréchal Le Pen) de la reprise par le ministre de l’Éducation nationale de son analyse du « gauchisme intersectionnel » dans les universités.
- 14 Février 2021 : la ministre Frédérique Vidal demande une enquête au CNRS sur l’« islamo-gauchisme » et dit « l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble »
- 25 Mars 2021 : un groupe d’extrême-droite, l’Action française, tente d’envahir la salle plénière du Conseil Régional d’Occitanie, et déploient une banderole « Islamo-gauchistes, traîtres à la France »
Des forums de l’extrême droite à un pouvoir soit disant centriste ce terme a su profiter de la porosité des idées et s’affirmer comme légitime dans les débats.
Mais que cache t-il ?
L’emploi d’un copié-collé aussi clair du terme « judéo-bolchévique » utilisé par les fascistes des années 30 pour discréditer leurs adversaires en dit beaucoup sur la situation dans laquelle nous nous trouvons. Il sert en plus à attaquer les savoirs critiques au sein des universités qui vient entériner le discrédit des sciences humaines.
L’une des particularités de cette expression c’est son flou volontairement entretenue. « Islamo » ne veut rien dire en soi, le terme peut au choix faire référence à l’Islam, à toute la communauté musulmane, ou encore à l’islamisme comme projet politique et idéologique. Si islamo-gauchisme renvoie à l’Islam alors tant mieux, être musulman.e et progressiste n’a jamais été antinomique. C’est ainsi une façon de maintenir en place la confusion entre musulman et intégriste. « Gauchisme » est un terme qui est utilisé pour désigner péjorativement des mouvements politiques d’extrême-gauche révolutionnaire (historiquement, tout ce qui est à gauche du P.C.F).
Comme l’a rappelée l’Action Française sur sa banderole « Islamo-gauchisme » est en fait une accusation de complaisance des révolutionnaires avec l’islamisme, et au mieux de naïveté/manipulation vis à vis des courants réactionnaires de l’islam. Ce serait le fait de choisir une autre communauté que celle nationale.
Quelles fonctions et quels sont les objectifs de l’usage de ce terme ?
- créer une confusion entre anti-impérialisme, lutte contre l’islamophobie et islamisme
- décrédibiliser les chercheur.se.s universitaires qui développent une critique sociale du racisme, des oppressions systémiques comme le patriarcat, le colonialisme / qui produisent une analyse des rapports sociaux de classe, de genre, d’identité religieuse, culturelle, etc
- nuire à l’auto-organisation des personnes concernées par les discriminations
- mener une véritable offensive contre les chercheur.e.s racisé.e.s
Dans quel contexte ce terme trouve son public ?
Porté par les victoires politiques et culturelles de la droite réactionnaire et des partis néofascistes en France et dans le monde ont permis de légitimer et rendre acceptable les idéologies racistes et conservatrices. Celles ci vont de paire avec le développement et à l’intensification de l’islamophobie dans toutes les sphères de la société : au sein de l’État, des médias, de la population, des institutions…
Pourquoi le pouvoir rejoint ce mouvement ?
Les luttes et victoires récentes contre l’islamophobie, la dénonciation du racisme et des violences policières, le soutien à la résistance palestinienne, la solidarité populaire avec les migrant.e.s, le combat contre l’impérialisme occidental, sont autant de menaces pour le pouvoir en place comme pour tous les courants politiques réactionnaires.
Un pouvoir qui de plus est en difficulté, entre son impopularité dût à sa gestion de la crise sanitaire et celle dû à ses politiques antisociales. L’emploi d’un mot aussi connoté lui permet ainsi de faire d’une pierre trois coups : rediriger les débats et la colère sur d’autres personnes, aussi discréditer l’opposition de gauche qui s’appuie sur une critique issu des science sociales pour attaquer le racisme et la domination coloniale et pour finir, tenter de s’affirmer auprès de l’électorat de droite.
Dans les faits ?
Notre analyse est ancrée dans la lutte contre le colonialisme et la suprématie blanche, qui restent des piliers fondamentaux de la pensée réactionnaire et des rapports sociaux. Nos actions ne cachent aucune naïveté. À la théorie simpliste du choc entre deux « blocs civilisationnels » nous opposons l’analyse complexe des rapports sociaux, qui structurent les économies, cultures, politiques et sociétés du monde.
Les musulman.e.s sont les premières victimes de l’activité terroriste islamique. Celle-ci, couplée aux guerres impérialistes (pour le contrôle des ressources), et aux guerres intérieures (pour le contrôle des frontières) entraîne de nombreuses migrations. La notion d’islamo-gauchisme permet de nier le lien de cause à effet entre continuité de la domination coloniale et développement politique des courants réactionnaires et intégristes de l’Islam.
Des YPG/YPJ face à Daesh, aux mouvements révolutionnaires du printemps Arabes face aux frères musulmans, en passant par les révolutionnaires iraniens contre l’Ayatollah, les mouvements progressistes comportent dans leurs rangs des musulman.e.s. Que ça plaise à celles et ceux qui, dans les médias ou ailleurs, voudrait faire du musulman une caricature exotique, faisant de tout.e étranger un.e musulman.e et de tout.e progressiste un.e athée. Pendant ce temps, au nom d’un réalisme de marché la convergence d’intérêt économiques se poursuit entre les grandes entreprises françaises et les promoteurs de l’islamisme, : Lafarge payant Daesh pour faire tourner coûte que coûte son usine en Syrie, vente d’arme de l’état français à l’Arabie Saoudite, complaisance avec le Qatar en accordant des exonérations de taxes dans l’immobilier à ses émirs, cadeaux de millions d’euros à l’islamiste Erdogan pour stopper les exilé.e.s du moyen-orient, militants identitaires vendant les arme servant aux attentats de 2015…
Contre la confusion du terme « islamo-gauchisme », luttons contre l’islamophobie, l’extrême-droite et l’État complice !